Le lobbyisme : le projet de loi 56 sera abandonné, modifié ou refait de quelle façon ?

26 septembre 2016. - Mise à jour jeudi 29 septembre. C'est mercredi dernier (le 28) que la Commission des institutions de l'Assemblée nationale à Québec a passé en audition le Commissaire au lobbyisme sur le rapport intitulé « Étude sur l’assujettissement de tous les organismes à but non lucratif aux règles d’encadrement du lobbyisme, tel que prévu au projet de loi n° 56, Loi sur la transparence en matière de lobbyisme ».
Selon la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires/bénévoles (la Table), le Commissaire et les membres de la Commission des institutions reconnaissent que l’assimilation des OSBL à loi n’est plus une priorité. Dans son communiqué la Table ajoute que les discussions ont aussi fait ressortir à quel point, il serait compliqué et inutile d’assujettir les OSBL tous azimuts, sans tenir compte de leur finalité et de leur composition, et ce, que ce soit à l’intérieur du projet de loi 56 ou autrement.
La Table souligne aussi que les distinctions exposées depuis plusieurs années par le milieu des OSBL ont été reprises par le Commissaire et par les membres de la Commission: il y a une différence fondamentale entre viser des intérêts privés et lucratifs et défendre des intérêts publics, distinction qui était au cœur de l’adoption de la Loi sur le lobbyisme en 2002.
Selon Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles, « Il est évident que la ministre ne peut ignorer la discussion d’aujourd’hui. Elle doit dès maintenant rassurer les OSBL en affirmant sans ambiguïté qu’ils ne sont plus dans la mire du gouvernement. Autant le gouvernement que les OSBL ont besoin de passer à autre chose. »
L’audition du Commissaire a aussi permis de constater le consensus à l’effet que l’assujettissement de tous les OSBL n’est plus une priorité. « Le Commissaire et l’ensemble des membres de la Commission ont répété que les efforts doivent être mis ailleurs, notamment à l’amélioration du registre, à l’ajout de ressources pour le Commissaire, à une révision de son rôle et à une meilleure application de la loi » de dire Fimba Tankoano, directeur général de la Fédération des centres d'action bénévole du Québec.
L'Association québécoise des lobbyistes (AQL) réagit en rappelant, comme l'affirme le Commissaire, que le controversé projet de loi no 56 ne peut être adopté dans sa forme actuelle. L’Association réclame :
• Une simplification significative des obligations actuelles de la Loi et des dispositions du projet de loi no 56, afin de retirer du champ d'application de la Loi les communications d'influence qui n'ont aucune utilité pour le public;
• L'inclusion des organismes à but non lucratif (OBNL) qui réalisent des communications d'influence dans le champ d'application de la Loi, sous réserve de l'exclusion d'organismes communautaires de très petite taille;
• Une application raisonnable et efficiente de cet encadrement par le Commissaire au lobbyisme et le Registre des lobbyistes.
(Le communiqué de presse intégral de cette association)
Selon ce que rapporte le Courrier parlementaire, le Commissaire au lobbyisme, François Casgrain estime que ce n’est pas une question uniquement de grosseur d’entreprise. C’est une question de philosophie. Si une entreprise vise par sa démarche d’influence l’octroi d’un contrat, d’une subvention, «ça doit être clair : c’est une activité de lobbyisme qui doit être déclarée». Cette exigence doit toutefois s’accompagner d’une «simplification importante» de l’inscription au registre des lobbyistes, plaide-t-il.
Par ailleurs, l’élimination de la notion de «partie importante» est l’une des modifications législatives les plus importantes à apporter, selon le commissaire. Cette notion rend l’application de la loi actuelle excessivement compliquée, dit-il, surtout «dans certains cas où ça donne aux plus forts qui ont les meilleurs avocats le fait de pouvoir se défendre à défaut de leur inscription au registre».
Selon lui, «quand un président de compagnie fait un seul téléphone, est-ce qu’il peut prétendre qu’il ne le fait pas pour une partie importante lorsqu’il y a un résultat au bout qui peut être important?»
Le Courrier parlementaire constate que la ministre veut aller de l’avant, mais souhaite éviter le mur-à-mur. «Personnellement, j’ai un petit problème quand je vois les petits organismes et les petites entreprises qui essaient de survivre. Je vois pour les deux un fardeau assez important», a-t-elle précisé en commission parlementaire. «Vous savez qu’au Québec 53 % des entreprises sont des petites petites entreprises où il y a moins de cinq employés, où les revenus annuels sont inférieurs à 500 000 $.»
Le gouvernement est à la recherche d’un équilibre dans la manière de traiter les organismes à but non lucratif. «Un OBNL qui est à St-Eustache et qui protège les chiens errants ne fait pas les mêmes représentations au gouvernement que, par exemple, Greenpeace». Ainsi, la ministre souhaite trouver les bons critères pour assujettir les organismes «qui font vraiment de la représentation auprès du gouvernement» par rapport à ceux qui font «du travail social auprès d’une petite communauté précise».
La ministre veut aussi prendre en compte dans sa réflexion qu’un OBNL fait aussi du lobbyisme même s’il ne fait de la représentation de groupes vulnérables que pendant cinq minutes auprès de titulaires de charges publiques. Mais, nous explique-t-on, il ne mérite pas d’être encadré aussi strictement qu’une entreprise privée qui veut faire des bénéfices.
Rappelons aussi que le Commissaire au lobbyisme tire la sonnette d’alarme à propos de compressions budgétaires. Dans l'article du Devoir, on apprend « dans son rapport d’activité 2015-2016 que 1133 déclarations n’ont pas été déposées dans les délais prescrits, soit 27 % du total. Ainsi, 807 déclarations tardives ont fait l’objet d’une intervention du Commissaire au lobbyisme. Et du nombre de lobbyistes qui se sont inscrits au registre, 3508 se sont inscrits pour la première fois, soit une augmentation de 36 % par rapport à l’année précédente. »
Pour voir ou lire les échanges de l'audition : https://goo.gl/wrSveR
Communiqué de presse de la Table : https://goo.gl/AyXSme
Article du Devoir sur les compressions : https://goo.gl/2FGboe