ÉLECTIONS ET PLAN D'ACTION EN SANTÉ MENTALE

28 février 2014. - Nous sommes à quelques jours du déclenchement d'une élection provinciale. Le milieu communautaire montréalais en santé mentale devra maintenir ses efforts s'il veut obtenir un Plan d'Action en Santé Mentale (PASM) bientôt. En 2005 le ministre de l'époque, un dénommé Philippe Couillard, lançait un Plan d'action en santé mentale devant se terminer en 2010. Depuis ce temps, de nombreux travaux ont été faits pour évaluer les résultats obtenus, pour déterminer ce qu'on devrait faire et tout récemment pour chercher des réponses à des questions soulevées par le ministère lors d'une journée Forum réunissant à peu près toutes les organisations et corporations concernées par le sujet.
Au fil des ans du côté des organismes communautaires, nous avons participé à la réflexion et nous avons cherché à faire avancer le dossier. Avec le COSME, nous avons lancé une pétition demandant au gouvernement du Québec de déposer un nouveau projet de Plan d’action en santé mentale et de le soumettre à une large consultation publique, comprenant des audiences régionales, afin de procéder aux ajustements requis avant sa mise en œuvre. La pétition a été en ligne quelques semaines sur le site de l'Assemblée nationale et elle a finalement récolté 1895 signataires... Ce qui est un bon résultat pour une diffusion qui a fonctionné exclusivement par courriel et réseaux sociaux.
Quatre ans plus tard, le PASM se fait toujours attendre. En itinérance, il a fallu attendre 8 ans avant qu'une Politique soit enfin dévoilée. Cette semaine, des médias ont rappelé que certaines études parlent de 50 % de gens vivant avec des problèmes de santé mentale chez les personnes en itinérance. La ministre déléguée aux Services sociaux, Véronique Hivon, déclare que Québec débloque six millions pour rendre permanents des projets concrets telles les deux brigades conjointes policiers et travailleurs sociaux mises sur pied dans les dernières années par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Le projet PRISM, qui offre les services de deux psychiatres à la Mission Old Brewery, est également reconduit. Québec souhaite aussi réaliser des études pour mieux évaluer le nombre et le comportement des personnes sans-abri. Un plan d'action en itinérance plus élaboré doit suivre dans quelques mois avec plusieurs mesures concrètes en matière de santé, d'éducation et d'aide à l'emploi.
Le ministère a aussi annoncé qu'il veut élargir l'offre de logement disponible en créant 3 250 logements sociaux, dont 500 seront réservées aux personnes en situation d'itinérance. Un taux de 45 % de ces logements sociaux sera destiné à Montréal, le lieu où ce problème est le plus criant.
Cette mesure de logements sociaux généralement bien accueillie ne fait cependant pas l'unanimité. Pour le psychiatre Olivier Farmer du CHUM et du PRISM, la création de 500 logements sociaux, n'est d'aucun secours pour la clientèle itinérante atteinte de troubles mentaux. Il déclare, selon des propos rapportés dans les médias : « Aucun de nos clients ne serait admissible à un logement social, explique-t-il, en raison des délais d'accès et des comités de sélection. Nos clients, ce n'est pas nécessairement au premier essai qu'ils réussissent à rester en logement. C'est souvent au troisième ou au quatrième essai. Le logement social, où la subvention est rattachée au logement, ça ne leur convient pas du tout.» Selon lui, en optant pour le logement social, Québec fait également un mauvais choix financier, puisqu'un tel programme coûte plus cher que des subventions au logement couplées à des services de suivi intensif. « Le Québec fait fausse route et dilapide des ressources dans des modèles éculés de réponse à l'itinérance », conclut-il.
L'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) publiait le 13 février dernier une revue systématique de la littérature traitant de l'efficacité de l'approche « logement d'abord » pour les personnes en situation d'itinérance vivant avec des troubles mentaux ou des troubles liés aux substances psychoactives. L’approche « logement d’abord » permet aux personnes qui en bénéficient de demeurer plus longtemps dans un logement et moins en situation d’itinérance que celles qui ont accès aux services usuels seulement et aux interventions psychosociales traditionnelles. Malgré les problèmes mentaux et la consommation d’alcool ou de drogues qui ne s’améliorent pas davantage, la mise en place de programmes basés sur cette approche et s’adressant aux personnes les plus difficiles à loger serait à considérer. De plus, il semble que des programmes diversifiés, toujours basés sur l’approche « logement d’abord », permettraient de répondre aux besoins de l’ensemble des personnes en situation d’itinérance.
Dans le contexte électoral qui s'annonce, le milieu communautaire en santé mentale souhaite amener les partis politiques à réfléchir à des actions concrètes afin qu'une fois élus, les nouveaux députés travaillent à mettre au point un Plan d'Action en Santé Mentale. Le RACOR a participé aux travaux du COSME pour traduire en engagements électoraux les 35 propositions qui ont déjà été déposées au ministère. Un communiqué de presse est déja disponible avec le document de la plate-forme afin de faire connaitre nos demandes à tous les candidats et candidates.
Quatre ans sont déjà passés. Espérons que nous n'aurons pas à attendre que cela fasse huit ans !