Derrière la P38, la réalité crue : un manque d’accès flagrant à des services (déjà sous-financés)
21 janvier 2016. - Suite à la mort d’une femme à Granby, tuée par son colocataire éprouvant des troubles de santé mentale au moment des faits, de nombreux articles débattent de l’actuelle loi P-38. En effet, dans les jours précédents le drame, les voisins avaient contacté la police pour le faire hospitaliser. Les médecins lui auraient donné son congé au bout de 24 heures.
C’est quoi la Loi P-38?
Adoptée en 1997, elle complète les dispositions du Code civil du Québec en matière de garde et d’évaluation psychiatrique ; précise les règles juridiques de la garde involontaire des personnes dont l’état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui. Pour ce faire, elle porte atteinte aux droits fondamentaux, en permettant à certaines conditions de passer outre au consentement des personnes et de les priver temporairement de leur liberté.
Alors que médecins et psychiatres réclament un renforcement de la loi P-38 permettant les requêtes en garde autorisée à l’hôpital, la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladies mentales (FFAPAMM) plaide pour une redéfinition qui soit axée sur la détresse et non la dangerosité, ainsi qu’un meilleur soutien pour les familles. D’autre part, les organismes de défense des droits demandent plutôt davantage de services comme l’accès gratuit aux psychologues, un meilleur financement des organismes communautaires, un meilleur accès aux services publics de santé mentale. Nous vous recommandons l’intéressant article de La Voix de l’Est qui résume très bien les 3 positions.
D’autre part, dans le même moment, Radio Canada relate que l’hôpital de Granby a présentement un taux d’occupation de 127 % pour ses lits en secteur psychiatrique et que les organismes prennent en charge des cas de plus en plus lourds sans ressources financières supplémentaires. Clairement, le réseau et les ressources en santé mentale de la région sont débordés !
Pour le RACOR en santé mentale, ce drame rappelle surtout de façon crue que le manque d’accès aux services a des conséquences. On débat de la loi, on est focalisé sur la réorganisation des services pour faire des économies, et on oublie qu’il y a là, des personnes, des familles, en chair, en os et en souffrance.
En ce sens, nous vous invitons à lire en entier la lettre ouverte « Elle avait trop bon cœur... » de Robert Dubuc (Centre de crise de l’ouest de l’île – organisme membre du RACOR), Anne Marie Boucher (Regroupement des Ressources Alternatives en Santé Mentale du Québec) et Doris Provencher (Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec) paru dans le Huffingtonpost :
« Il existe pourtant d’autres alternatives à l’hospitalisation forcée. Développant leur expertise depuis plus de 30 ans, les centres d’intervention de crise, des ressources communautaires ouvertes 24 h/7, permettent notamment que la crise soit vécue dans la communauté, très souvent sans hospitalisation. Travaillant dans une approche impliquant le consentement des personnes et leur participation active, les centres de crises évitent les passages à l’acte en créant des liens de collaboration entre la personne, son réseau de confiance et des intervenants du milieu communautaire ou institutionnel. L’intervention des services de crise permet, en toute transparence, d’identifier clairement le risque, mais également les facteurs de protection, qui éviteront une aggravation de la situation. »
Si le ministre entreprenait de changer la loi, surtout pour assouplir les critères, il réveillerait le souvenir pas si lointain des années 60 où le monde découvrait avec stupeur les nombreux cas de gens qui avaient été retenus dans nos anciens asiles pendant de nombreuses années contre leur gré, de façon arbitraire, sans motif et sans recours judiciaire pour leurs droits.
Revue de presse
Point de vue des groupes de défense des droits en santé mentale
- Un groupe s’oppose à l’hospitalisation forcée en maladie mentale (Métro)
- Meurtre à Granby ; le renforcement de la loi P-38 n’est pas la solution (Radio M105)
- « Elle avait trop bon cœur... » (Huffingtonpost)
- Le problème n'est pas la loi P-38, dit Me Jean-Pierre Ménard (Le Soleil)
- Santé mentale : assez de faussetés sur les droits des patients. Le problème ce n'est pas la loi, mais son application et l'insuffisance des ressources (Communiqué CNW)
Point de vue de la FFAPAMM
- Des changements législatifs réclamés en santé mentale (Métro)
- Santé mentale : quand un père hospitalise son fils contre son gré (Radio Canada)
- Santé mentale : devenir le pire ennemi de son fils... pour le sauver (Le Soleil)
Point de vue des psychiatres
- Il est grand temps de réviser la loi sur l’internement psychiatrique (Première)
Article de synthèse
- La loi P-38 remise en question (La Voix de l’Est)
État des services en santé mentale dans la région de Granby
- Les ressources en santé mentale débordées à Granby (Radio Canada)
Témoignage
- Dérives de la loi P-38 : internée contre son gré (Première)
- Santé mentale : l’hospitalisation contre le gré du patient critiquée (Radio Canada)